Chant des nuits heureuses by Monique Roy

Chant des nuits heureuses by Monique Roy

Auteur:Monique Roy
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
ISBN: 9782894235485
Éditeur: Prise de parole


Chapitre X

Le lendemain soir, nous étions sur la véranda surplombant le flanc rocailleux de la montagne contre lequel s’appuyait le chalet. Accoudée au garde-fou, je regardais les vestiges du soleil couchant iriser la surface de l’eau. La région se relevait d’une de ces tempêtes qui s’abattent de temps à autre dans les pays en marge du Grand Nord. Toute la journée, lorsque je levais la tête pour vérifier où en étaient les choses dehors, je voyais l’eau éclabousser les rochers pour ensuite se replier sur elle-même. Mais tôt en soirée, le soleil s’était dégagé des nuages, jetant une soudaine lumière sur le rivage encore reluisant d’humidité pour le transformer en un énorme diamant à multiples facettes.

D’une oreille distraite, j’écoutais les propos de Maryse. Étendue sur la chaise longue, elle ne cessait de bavarder. Ça faisait des heures qu’elle ne me lâchait plus. Elle commençait par le milieu de la chose, comme si elle s’était aventurée seule un temps pour découvrir à mi-chemin qu’elle avait peur. Depuis notre retour du restaurant, où elle avait très peu mangé et beaucoup bu, elle m’écorchait les oreilles avec ses histoires de Bobby et Gwen. À un moment donné, sans doute à cause d’une nuance inquiétante dans sa voix, je lui ai accordé toute mon attention.

— C’est si facile…

Puis doucement, elle a chuchoté :

— Une arme au poing, ce n’est pas la mer à boire. Une soudaine pâleur lui couvrant le visage, elle regardait droit devant elle, en proie à des images qui semblaient n’avoir rien de rassurant.

— Maryse, qu’est-ce que c’est? ai-je demandé, la touchant à l’épaule. On dirait que tu viens de voir un monstre.

— C’est cet endroit, Caro. Ça me fait penser au camp de Bobby.

— Ce n’est pas pareil, voyons! Pour commencer, son camp est sur le haut-Saranac.

— Lac ou baie, ça revient au même.

Je l’ai regardée un long moment et, sans la quitter des yeux, je lui ai dit :

— Je crois que tu as besoin de dormir. Demain, les choses te sembleront moins dramatiques. Allez, viens, Maryse.

Docile, elle s’est redressée et m’a emboîté le pas en silence. On aurait dit que, drainée tout à coup, elle avait une très grande envie de se coucher quelque part et de ne plus penser. Dans le coin de la pièce principale, elle s’est étendue sur l’étroit lit de camp, sans prendre le temps de déplier la couverture. Puis elle s’est mise à pleurer, des sanglots étouffés, comme si elle voulait garder son chagrin pour elle seule. Assise sur le bord du lit, la main sur sa nuque, je suis restée près d’elle jusqu’à ce qu’elle se calme.

Peu après, j’étais de retour sur la véranda, le regard sur le ciel où scintillaient des myriades d’étoiles, occupée à chercher le point d’ancrage qu’Alain m’avait fait voir au début de notre rapport, une étoile qui, parmi tant d’autres, brillait d’une façon particulière. Désorientée par la distance parcourue la veille, j’avais le sentiment d’être très loin des ciels familiers qui voûtent le littoral nord de l’Acadie. À peine l’avais-je repérée, cette étoile, que l’arrivée de Maryse a rompu la magie du soir.



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